Pourquoi attendre quelques mois avant de travailler ses photos est-il intéressant ?

La photographie est affaire de regards. Avant même de porter l’appareil photo à ses yeux, il y a le regard porté sur le monde : l’œil du photographe. Vient ensuite le regard à travers l’objectif. Plus technique, l’outil fixant des limites. C’est avec l’expérience que le photographe gagne en efficacité pour tirer le meilleur de ces contraintes et aller parfois au-delà de ce que l’œil a vu de prime abord.

Mais le regard du photographe ne s’arrête pas là. Il voit la photo à nouveau une fois celle-ci transférée sur l’écran de l’ordinateur pour être traitée, sauvegardée, voire imprimée. Travailler ses photos après les avoir laissé reposer un moment permet d’avoir ce regard neuf et d’aborder le traitement de ses clichés avec une approche réellement photographique, dépassant le simple zèle sur photoshop.

Trois exemples

Ce que j’ai vu et voulais montrer. Au début de la randonnée, jouant à cache-cache, les sommets se montraient timides dans leurs voiles de nuages. La percée éphémère contrastait avec le caractère très ancré des blocs de pierre ancrés dans l’herbe en contrebas. J’ai donc cadrer de sorte à montrer ces deux éléments. Lors du traitement de l’image, j’ai accentué l’exposition de ces deux éléments pour qu’ils ressortent et dialoguent.

Ce que je n’avais pas remarqué et que j’ai “re-vu”. Le fait de revoir cette image après quelques mois m’a permis de remarquer le lien entre les deux éléments précédent, à savoir les verticales tracées tant par les rochers que par les troncs des sapins. J’ai donc ajusté l’exposition pour souligner cette verticalité. Le résultat est fidèle à mon premier coup d’œil et le traitement de l’image n’a pas dénaturé mes intentions.

Le détail qui apporte un plus. Dans cet autre cliché, ce sont à nouveau les correspondances entre les sommets et les rochers en contrebas qui m’ont frappé et que je voulais mettre en avant.

Ce qui m’avait échappé, c’était la présence de randonneurs dans la partie éclairée du sentier, à gauche de l’image. Un détail, certes, mais qui permet de donner discrètement l’échelle du paysage pour mieux en mesurer la grandeur. J’ai donc légèrement accentué les jeux de lumière pour que non seulement l’œil aille vers les rochers, mais passe aussi sur ces personnages.

Ce que je n’avais pas vu. Dernier exemple, ce panorama de la vallée qui me plaisait parce que le regard était guidé par le chemin vers le col où les nuages déversaient les ondées. Ce que je n’avais pas remarqué, c’était le miroir créé par les nuages jouant le même rôle.

Le “mouvement” général de la photo étant devenu évident, le reste du traitement de l’image s’est imposé de lui-même : jouer sur les contrastes des lignes dans l’herbe qui pointent dans la même direction et assombrir le chemin pour souligner l’écho entre ciel et terre plutôt de de les antagoniser. Au final, le résultat dépasse mon intention initiale et ce nouveau regard apporte une réelle valeur ajoutée.

Avez-vous aussi déjà expérimenté ce genre de re-découverte ?

Pourquoi et comment choisir sa focale pour un cliché ?

Que ce soit pour acheter un objectif, préparer son sac ou faire une photo particulière, la question du choix de l’objectif se pose très vite en photographie. En dehors des questions de budget, de poids, d’usages prévus, l’impact du choix de la focale — que l’objectif soit un zoom ou un fixe — est avant tout esthétique. Une considération à laquelle je ne réfléchis jamais assez. La preuve en image.

Voulant sortir avec peu de matériel pour faire des clichés en forêt, j’ai opté pour un 50mm et un 14mm, laissant de côté le zoom 24-240. Travailler avec des focales fixes est un bon exercice pour se forcer à trouver un meilleur cadrage en se déplaçant ne serait-ce que pour s’approcher ou s’éloigner du sujet. Grâce au jour tombant, l’absence de vent dans le vallon et à l’aide du trépied, je souhaitais faire des temps de pose longs (quelques secondes) pour souligner le contraste entre la rivière bouillonnante et la forêt figée avec l’arrivée de l’hiver.

Vue au 50mm à f/8 et pose de 5 secondes.

L’avantage du cadrage plus serré est de mettre plus d’emphase sur le mouvement de l’eau, de donner plus de détails dans les branchages, en particulier le trio de bouleaux. Le fait de ne pas dévoiler plus de l’environnement ajoute aussi une part de secret sur le cours de la rivière. L’atmosphère est plutôt intimiste.

Vue au 14mm (recadré à 18-20) à f/11 et pose de 10 secondes.

Cette vue plus large complique le cadrage, le pont s’intégrant difficilement en tant que premier plan, il faut l’utiliser comme ligne directrice, qui souligne la trajectoire de la rivière. Le lien est complété par le fait que la deuxième chute rejoint la passerelle. L’ajout de cette ligne forte permet aussi de simplifier un peu une composition assez complexe prise depuis ce point de vue surplombant la scène. L’histoire du cliché est celle d’une promenade en forêt, bien différente du premier cadrage.

Dans l’idéal, il aurait fallu se situer plus près de l’eau avec le 14 mm — impossible dans ce cas sans finir à l’eau — pour ajouter un premier plan et/ou créer un meilleur lien entre les deux chutes d’eau. Un cliché à 24mm aurait peut-être été plus facile, mais probablement moins intéressant. De la contrainte naît la créativité, d’autant que la nuit tombante laissait d emoins en moins de temps pour tester d’autres configurations. A tester à nouveau.

Pourquoi un blog photographique ?

Le portfolio photographique a quelque chose de figé et d’épuré. L’avantage du blog est de pouvoir ajouter la dimension humaine et anecdotique qui font de certains clichés des souvenirs particuliers.

Ainsi ce selfie, qui ne se distingue pas particulièrement d’un point de vue photographique, a un sens tout particulier à mes yeux. Réalisé par -45°C, dans les montagnes de l’archipel du Spitzberg, je souriais, car la météo dégagée annonçait de magnifiques conditions pour observer l’éclipse de soleil. Le spectacle s’est révélé à la hauteur du reste du voyage : incroyable !